samedi 28 mars 2009

Extrait d' "Elle c dit"

12 h 30, elle part travailler à l'hôpital. Elle s'est faite belle, son coeur cogne. Elle est impatiente et agitée. Elle fume, musique à fond dans la voiture. Elle va le croiser et se sent ultra vivante. Son regard dans le rétroviseur brille d'un éclat nouveau, sa bouche est gourmande, ses cheveux coupés courts, aux nuances ambrées, ont juste ce qu'il faut d'indiscipline. Elle est ravie. Prête à le retrouver, lui, l'homme dont elle ne sait presque rien, mais qu'elle côtoie depuis plusieurs semaines déjà, à l'occasion des brèves relèves matin-soir.

13 h, elle dit bonjour aux autres, une légère angoisse, elle ne le voit pas. Il n'est pas là. trois semaines d'arrêt, une entorse. Hum, une maudite entorse, et son souffle s'arrête, ses yeux s'embuent et diluent les images. Elle se reprend, elle sait faire, mais n'a plus le goût, le goût d'être. L'espace se rétrécit, elle se cale au creux d'elle même. Elle a vaguement conscience d'accomplir avec minutie ce qu'elle doit.

Elle épie les conversations, voudrait que quelqu'un parle de lui, le fasse apparaître un peu dans le décor. Elle va voir son nom sur l'organigramme, s'abîme sur le trait rouge "arrêt maladie". Elle relit les dossiers de soins, pour retrouver les transmissions des jours précédents, celles qu'il a écrites de son écriture fine et sèche. Elle effleure du doigt sa signature. Le revoit en train d'écrire ,concentré, avec sa drôle de manière de tenir son stylo. Jamais un regard direct vers elle, mais elle le ressent toujours, elle le soupçonne de rester volontairement distant, tout en l'épiant. Ce qui la rend nerveuse et maladroite parfois, mais aussi exceptionnellement compétente. Elle effleure encore son nom, il est presque là.

On l'appelle pour un soin. Dans une discussion anodine, elle apprend, qu'il a une femme qui attend un enfant. Sous le choc, elle déglutit péniblement, du sable racle dans sa gorge. Elle se fige... Une femme... Il a une femme enceinte... Elle était restée dans le déni de cette éventualité. Lui si réservé, si inaccessible, si différent, ne parlant jamais de lui, ne prenant la parole que très peu, boulot, quelques jeux de mots, humour distant. Hébétée, elle donne le change, le sable racle. Trois semaines. Une femme. Une maison ? Un jardin ? Un chien peut être...

A suivre...

5 commentaires:

  1. Du vécu ? La vie est chiante en ce moment et en plus il pleut. Bises

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  2. On a beau savoir que les châteaux de sable finissent sous les flots, on ne peut s'empêcher d'en construire...

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  3. Toutaubord--> Du vécu ? Pourquoi, jusqu'ici tu en doutais ? Je n'écris que du vrai, bien évidemment je brode, je romance, je tricote l'histoire, histoire de.., côté pile, côté face, face A, face B, baie d'ici ou de là bas, bas de soie ou de soi...

    Mots d'Elle--> Seule sur la plage, je "mots d'elle" le sable, j'écris et la vague passe, efface.. et je re construis un château plus petit... le pont levis reste baissé.. on ne sait jamais... Du haut du donjon, je fais signe ou je me lasse.. Je regarde au loin ... une embarcation.. Mince ! une vague plus grosse que les autres vient d'envahir les jouves.. et l'eau monte...
    T'as raison !
    Mais j'ai toujours ma pelle et mon seau, là dans l'sac...

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  4. Un coeur qui bât la chamade pour un être que l'on ne connaît pas... un esprit occupé par ce même être qui ne fait que passer... beaux moments de la vie... et l'histoire continue... on ignore la fin mais l'on vibre et l'on rêve... à suivre...

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  5. Bérénice--> Pire que ça...
    A tout bientôt..

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