dimanche 5 avril 2009

Suite de l'extrait d'Elle c dit (4)

Extrait d'Elle c dit (1)
Extrait d'Elle c dit (2)
Extrait d'Elle c dit (3)
Une nouvelle année commence. Elle voit s'amenuiser, se flétrir son idylle. Elle mesure le chemin parcouru. Elle a conscience de s'accommoder de la moindre médiocrité. Elle oscille entre fuir cette réalité et s'en nourrir au compte gouttes. Elle ne renonce pas, progressivement privée de tous regards critiques sur la situation. Elle se dédouble. Elle l'aime, est totalement sous emprise. Les chauds-froids auront atteint les failles de son cerveau.
Drôle de maladie, sans forme, sans fièvre. Une maladie de rien. Une maladie qui est dans les chairs, dans le sang, une maladie du coeur. Silencieuse et insidieuse. Avec une aisance née, elle se glisse dans les circonvolutions des méandres de son cerveau. Se fraye un passage dans l'inconscient et vient toucher l'âme. Cachée dans les plis, dans la suspension du temps entre deux rêveries, dans la respiration entre deux rires, ou entre deux sanglots. Elle est proliférative. Au début c'est un voile de soie posé sur les yeux et tout au fond du crâne. C'est pour cela qu'il faut du temps pour se rendre compte qu'on en est atteint.
C'est une maladie sans nom. Sans vrai nom. Elle est difficile à décrire, et les symptômes sont propres à chacun. On en dit le long cheminement d'une douleur sans douleur, et le glissement progressif vers les ténèbres. L'effondrement insolent qui vrille chaque instant. Maladie de l'inaccessible, puisque rien n'est désormais intelligible, puisque tout est définitivement inabordable directement. Puisqu'il faut sans cesse inventer des chemins différents, pour relier en soi ce qui est disjoint, ce qui est décollé. Puisque tout est un champ d'épreuves, puisque toute la joie, tous les plaisirs se dérobent comme une eau qui s'infiltre dans les fissures de chaque geste. Elle suinte, elle goutte.
Elle commence à lui écrire des lettres, dépourvues de sentiments, mais extrêmement profondes, justes, et brûlantes. Elle n'arrive toujours pas à lui parler, mais sait lui écrire. Ses lettres deviendront une drogue pour lui.
Ils vont se rapprocher peu à peu. Lorsqu'ils sont ensemble, plus rien n'existe autour. Ils se retrouvent dix minutes, un quart d'heure tout au plus, après le travail. Sur le chemin du retour, il y a une petite route qui se perd dans la garrigue, quelques maisons bien cachées, dont on aperçoit les lumières quand la nuit tombe, seront les seuls témoins de leurs ébats. Les bords de la route sont envahis de haies très denses, recouvertes de ronces, avec des mûres au mois d'août. Leur coin s'appellera "les mûres". Elle est malade de lui. Elle va se soumettre pendant de longs mois à son bon vouloir, ne demandant jamais rien. Quelques fois, il la suivra, et d'autres il continuera son chemin. A chaque fin de garde, elle guettera dans son rétroviseur, si il met son clignotant pour tourner derrière elle sur le chemin des mûres. Jamais il ne l'avertira, refusant d'installer une liaison. Secrètement meurtrie, elle s'armera d'une patience inouïe.

A suivre...

12 commentaires:

  1. Tu décris avec une grande aisance le feu qui ne veut pas s'éteindre et la folie qui n'est pas loin. Vivre un amour caché c'est peut-être aimer quand même?

    RépondreSupprimer
  2. Mots d'Elle--> Une emprise qui a frôlé la folie en effet. C'était de l'amour noir.

    A ce jour, bizarrement, je pourrai dire :

    "Demain soir, je le croiserai
    au détour d'une rue.
    Il me dira
    "ça fait longtemps... non ?"
    On échangera quelques mots insignifiants
    qu'on aurait jamais cru pouvoir se dire.
    A l'époque, on en aurait ri même... Tant de banalités.
    J'essairai de me souvenir, de comment on s'est aimé... et je ne serai plus vraiment sûre.
    un changement de route sans doute.
    Il ne restera donc que ces quelques mots, qui se trouveront un peu maladroits, là, entre nous.
    Un tout petit peu plus que rien."

    Mais réécrire cette histoire, sortie de mes cahiers griffonnés à l'encre fine, reste bouleversant...

    RépondreSupprimer
  3. ... je n'écrirai pas grand-chose...tes mots résonnent étrangement dans mes mots... maladie universelle que de se consumer d'amour fou et impossible à vivre.... écrire fait du bien...

    RépondreSupprimer
  4. Ce sont des histoires d'amour qui souvent finissent mal...

    En aparté... lorsque j'ai commencé à te lire, je savais que Maud et Yaëlle aimeraient !

    Ecrire fait du bien, mais te lire aussi...

    RépondreSupprimer
  5. que c'est joli chez toi !!!
    je suis passé vite, j'ai lu en diagonale...
    ... j'aime, je vais reprendre du début, je vais aimer
    je reviens
    vite

    RépondreSupprimer
  6. Certaines adresses invitent à pousser la porte et j'ai bien fait de venir le faire sur la pointe du coeur. Je me nourris encore de "Lui" au compte-gouttes,je suis encore sous emprise. C'est sucré et douloureux à la fois...mais je guette aussi toute forme de clignotant dans mon rétroviseur.

    RépondreSupprimer
  7. Dmaux--> Ding-dong.. :) On a presque tous ressenti ça un jour..

    Bérénice--> oh! je dirai, qu'elles finissent mal "pendant".. mais au bout du compte elles finissent normalement le jour où on y met un terme.. 'fin, je me comprends.. :)

    Janjacq--> merci.. Ne te perds pas en chemin.. :) A tout vite.. et la bienvenue par ici..

    Myel--> Le clignotant, un objet dont on ne peut se passer.. :) bienvenue..

    RépondreSupprimer
  8. Salut c'est Cath d'Acteplume, je découvre ton blog avec plaisir, il est d'une part bien fait et d'autre part il dit des choses intéressantes et il les dit bien... :)

    RépondreSupprimer
  9. Acteplume--> Ravie que l'endroit te plaise.. :)et merci pour le compliment..
    la bienvenue ici... Je vais de ce pas retourner me prendre une p'tite touche de bleu, avec une pointe de jaune..

    RépondreSupprimer
  10. en apnée... je plonge dans la lecture :o)

    des souvenirs qui doucement se froissent comme une feuille de papiers .
    v'ap

    RépondreSupprimer
  11. Bon, on attend on relit Marivaux.

    Snake

    RépondreSupprimer
  12. V'ap--> souvenirs posés à l'encre dans plusieurs cahiers..les cahiers ont pris l'eau..

    Snake--> Parce que Snake marivaude parfois ? !! :)) (un joli clin d'oeil à la commedia dell arte..)

    RépondreSupprimer