dimanche 12 avril 2009

A cette histoire de cousins, je ne comprenais rien.

1973. Le début d'une histoire bien singulière. Je tartine mes triscottes, avec du nutella. Il est là, tout à côté de moi. Je suis transie d'Amour. Sa pile de tartines est énorme, au moins huit! Son bol de chocolat déborde presque. Ma mère trafique derrière notre dos. Et moi, je dois avoir l'air gourde avec mon air béat. Je le bade. J'ai au moins sept ans et lui dix. Mon jeune coeur d'artichaut ne sait pas ce qui lui arrive. Un nouveau "cousin" dans la famille. Je ne sais pas si j'ai su tout de suite qu'il n'avait plus sa maman, en tout cas, il est arrivé un jour, de là bas, de Normandie, pour habiter chez mes cousins du village voisin. Et, qu'il était leur vrai cousin! A cette histoire de cousins je ne comprenais rien. Il venait deux fois par semaine chez moi, pour aller au judo, et à la guitare, un arrangement entre ma mère et ma tante qui m'arrangeait bien. Mon premier Amour, là, à ma table. Pour "goûter " aux premiers petits frissons dans l'ventre. C'était désespérant. Il se foutait complètement de moi, et oui, trois ans de plus. A l'école, toutes les filles lui tournaient autour. Un charme fou, ce gosse. Je râlais comme un pou! A huit ans, idem la même. A neuf ans, bouh... Et lui de plus en plus beau, plein de filles toujours autour. J'en rêvais la nuit, heu... A dix ans, forcément toujours trois ans d'écart. A onze et bien je ne vois pas pourquoi ça aurait changé.. Le collège, le voir dans la cour, ce grand 3ème, était une délicieuse souffrance. Il m'appelait sa "p'tite cousine", toujours adorable avec moi, mais pas comme je voulais moi. A douze ans, je n'en pouvais plus. J'avais tout qui avait poussé bien comme il faut, là où il faut et tout fonctionnait parfaitement. Et oui, j'avais du désir. Il avait une cicatrice sous l'oeil gauche, un éclat de l'accident, où il a perdu sa maman sous ses yeux, ça le rendait encore plus intrigant, plus attirant. J'étais jalouse de toutes. Il ne me regardait toujours pas. Puis du jour au lendemain, il est parti, chez un autre oncle. Je n'ai pas tout compris là non plus, et je ne l'ai plus revu.

A vingt sept ans, toujours trois ans d'écart forcément. Une invitation de mariage de notre cousin commun. Mon sang ne fait qu'un tour et sans détour, je croise les doigts en suppliant qu'il y soit.

1993. Il avait l’art et la manière. Il aurait pu séduire une coccinelle comme rendre fébrile n'importe quel objet inanimé. J’avais décidé que la rencontre ou plutôt les retrouvailles n'allaient pas en rester là. Je savais qu’il saurait intuitivement, et l’avantage était que ce serait sans lendemain.
Nous ne nous étions pas vus depuis des années, je connaissais quelques trucs de sa vie, comme le fait que c'était un coureur de jupons invétéré, tu parles, ça ne m'étonnait guère, sans avoir le moindre espoir que nos routes se croisent un jour. Quand cette chance s’est présentée, il m’a semblé que la fin et le début se rencontraient.
Je me suis préparée comme jamais, émue, fébrile, prête à pleurer d’émotion. Il est apparu, plus grand que dans mon souvenir, bien plus beau, bien plus homme. Les années l’avaient mûri.
j'étais à mon avantage, grimpée sur un cheval camarguais, l'habit de lumière, le chapeau andalou, de l'arrogance dans l'attitude, la prunelle brillante sur la peau bronzée, du bluff, mais ça, il n'en savait rien.
Plus tard, au cours de l'apéro, il s'est évidemment approché de moi. Hé Hé, j'avais vingt sept ans, loin de la gamine gauche et tout juste pubère de l'époque. Au fond, il n’était pas dupe.
Il s’en est fallu de peu que nous tombâmes chacun dans cet excès de bla bla superflu, mais nous étions au-delà; le temps nous était compté, il savait que je l’avais aimé et qu’il en restait assez pour l’émouvoir. Je le ressentais. Et c'est ainsi, que... Sans même en parler ouvertement, chacune de nos paroles, chacun de nos gestes nous conduisait , nous portait l'un vers l'autre.
Entre nous, comme le ferait un vieux couple, nos habitudes, nos mots, notre connaissance de nous “avant”, et cette tacite re connaissance, éliminaient toute gêne, abolissaient l'espace et les années. Nous avons dansé et un peu bu... nous nous sommes serrés bien plus qu'il était convenable à cette fameuse soirée. L'interdit planait au dessus de nos têtes et stimulait la décharge de phéromones..
Le lendemain du mariage, la fiesta se poursuivait comme il est coutume dans la famille, paella géante, et chants improvisés à la guitare. Bien évidemment pour l'impressionner et le séduire un peu plus, je suis arrivée en moto, habillée en garçonne effrontée.
La suite... Coup de téléphone quatre jours plus tard. Comment s'est il procuré mon numéro ? Mystère.. Je savais que je me préparai pour un joli chagrin d'amour.. c'est bien de le savoir à l'avance pour anticiper la chute.. Il n’était plus possible de faire marche arrière et tête baissée j'ai traversé des jours fous . Les amoureux illicites étaient partout, par monts et par vaux, attablés aux terrasses des bistrots de tous les villages reculés, enlacés dans les champs, sous les grands arbres, seuls témoins de leurs ébats, de leur liaison "dangereuse".. le chagrin d'amour ne la quittait pas, elle s'attendait à tous moments qu'il disparaisse et retourne sagement dans ses quartiers, là bas à Marseille. Mais pour l'heure, ils roulaient sur la route sinueuse des gorges du gardon. Elle se serrait derrière lui. Ils faisaient des zig zag doucement sur la route, des zig zag dans leur tête aussi.

Ce fameux 24 août 1993, ils descendirent un chemin escarpé et s'allongèrent au bord de la rivière, se dévêtirent au soleil brûlant. Allez savoir pourquoi ce jour là, ils furent totalement inconscients, insouciants. Pourquoi ce jour là était le quatorzième jour de son cycle , l'ovulation. Pourquoi ce jour là ne s'est il pas retiré..? La seule fois où il a déposé sa semence en elle, celle ci a germé et s'est accrochée à la paroi quelques jours plus tard.
Le 25 mai 1994, Lucas naissait. Pas de père, une chouette Maman émerveillée , qui lui a raconté la jolie histoire insouciante tout au long de sa croissance, ajoutant peu à peu les mots qui éclairent le pourquoi du comment.
Parfois je croise l'odeur de son parfum au passage d’un homme, et je ne peux m’empêcher de me retourner, comme pour jeter un clin d’oeil au passé. Mais un coup de vent suffit pour que je l’oublie.

17 commentaires:

  1. Un coup de vent suffit aussi à le ramener à la mémoire.
    Très beau souvenir, merci de le partager.

    Thierry

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  2. Bluebird--> oh, il ne vient pas souvent traverser mon esprit.. un mécanisme de defense certaiement bien au point.. mais à père absent voire presque inconnu pour mon fils, j'aime autant que ce soit lui.. une sorte de fil conducteur qui a traversé un bon bout de ma vie...

    Nicolas Bleusher--> Minotaure de Paloma Picasso... mummm... :)

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  3. Toujours aussi bouleversée par ce que tu écris... Peut-être qu'on se ressemble un peu ? Ce sont peut-être juste des choses communes et universelles que tu nous racontes... Les choses de la vie... c'est bien, les défenses, quand ça n'empêche pas de vivre, bravo :) Belle soirée à toi !

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  4. Ce récit vaut toutes les plus belles histoires d'amour... j'espère qu'il vrai !

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  5. le vent transporte tant d'histoires...

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  6. Quelle belle histoire!
    IL faut dire aussi que celle qui l'a vécue et qui la raconte a une très belle âme...

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  7. Maud--> Des similitudes, nous en rencontrons toujours dans les écrits des autres, pour autant je pense que nous sommes différents dans la manière de les affronter... nos scénarios de vie, ils nous jouent bien des tours..
    Fort heureusement, nous sommes tous dotés de mécanismes de défense pour nous protéger un brin, tel que le déni, l'évitement, le refoulement ou encore le rationnalisme... ça plus une bonne dose de lacher-prise, qui elle est volontaire, et la vie continue.. turlututu..
    b'nne journée :)

    Bérénice--> Ce récit est tel que je l'ai vécu, j'ai juste gommé le passage du test de grossesse qui nous a diametralement opposés, et séparés forcément.. (mais on ne fait pas sa vie avec un coureur de jupons...)la suite reste encore un mystère pour moi... comment un père peut renier l'existence d'un enfant ? ça me dépasse un peu (des mécanismes de défense en béton !)j'y reviendrai peut être, il y a eu quelques interactions... le libellé "les pères" n'est pas prêt d'être clos... hum..

    L'ourse--> heureusement que le vent est là pour aérer les évènements, pour les faire bouger, et pour les faire s'envoler... j'aime quand tu passes par ici, et laisse l'empreinte de ta patte.. t'embrasse.

    Passer les rivières--> Je suis toujours restée sur le côté romanesque de cette histoire, pour la transmettre à mon fils, intacte. Il développe des talents d'artiste dans plusieurs domaines.. un mécanisme de défense comme un autre, "la sublimation"... (heu, vite résumé..)

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  8. Ton récit est romanesque oui, tentant et délicieusement raconté. Pourtant, je ne peux pas croire qu'il soit dénué de tristesse et de questions...mais ça ne nous regarde pas...le vent souffle et chasse les nuages...ce n'est pas pour autant qu'on en oublie l'existence...

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  9. Mots d'Elle--> De la tristesse, j'en ai eu mais je ne me suis pas attardée dessus bizarrement...

    Deux raisons ( identifiées) :
    - un, j'ai fait le choix de garder cet enfant toute seule et d'assumer complètement envers et contre tout et tous.. j'étais tellement heureuse d'être enceinte que j'étais indestructible, pourtant il en a tenté des manipulations pour que je me fasse avorter.Je l'ai gentiment mis au pied du mur, sans rien demander en retour. Il est parti, sans se retourner... n'a jamais deroger à son refus déterminé ou presque..

    -deux, j'ai eu un père(malsain) qui a bien mis le bazar dans mon esprit...
    Alors quand on n'a pas un bon encrage, de bons repères sur des générations de pères dysfonctionnants... et bien on a peur, une peur si confuse, que inconsciemment, on se "débrouille" pour que son enfant n'est pas de père.. pour lui éviter tout ça..résultat d'un scenario de vie embrouillé.. j'espère qu'il me pardonnera... même si à ce jour, il semblerait que ça ne le gène pas...
    Alors, pleurer sur mon sort, alors que je l'ai "choisi", assumé jusqu' à aujourd'hui et bien non, très peu.. je l'accompagne du mieux que je peux, et nous sommes heureux...
    j'ai réitéré quelques dysfonctionnements encore... avec le père de ma fille... mais ce sera pour une autre fois.. (beaucoup moins romanesque...)

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  10. En général les histoires d'amour à un âge très jeune, s'évanouissent d'elles-mêmes. Très intéressant.

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  11. C'était moi l'anonyme du dessus.

    Snake

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  12. Hellutte--> A votre guise... avec plaisir.

    Snake anonymus--> La preuve vivante est un cadeau du ciel...
    (je pense que même sans la signature, je vous aurais reconnu.. :)

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  13. Wao, wao, wao! Qu'elle est belle cette histoire et comme elle est bien racontée! Juste un peu triste que le beau mec il soit pas resté...
    Mais quand même, c'est chouette de l'avoir gardé ton fils :-)
    Bon je sais pas ce que je dis. Ca s'emmèle un peu avec mon hstoire perso. Mais c'est beau. Voilà.

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