Au crépuscule
Il y a 1 jour
Puisqu’il en est ainsi, dit-elle sur l’écran. Cachée derrière ses lunettes noires, elle se grime, ajuste son maquillage, remet un peu de rouge feu sur ses lèvres, des lèvres que j’ai tant embrassées. Puisqu’il en est ainsi, la laisser s’enfuir, repartir à zéro, retrouver son reflet dans le miroir, séduire pour vaincre les contradictions, contradictions que j’ai tant aimées. Puisqu’il en est ainsi, se suffire du « en » qui englobe le tout, les années suspendues, ballottées par le souffle de la vie et balayées aujourd’hui par l’inertie, victimes de la nonchalance que je supposais assumée et partagée.
Puisqu’il en est ainsi, dit-elle sur l’écran.
Derrière le filtre, elle se rassure, tient la barre haut, refuse tous les dévers, pentes nécessaires qu’elle croyait piège. Puisqu’il en est ainsi, me protéger de l’image charme, retenir nos discours si précieux et dans d’autres eaux larguer les amarres, attaches qu’il serait vain de vouloir renouer. Puisqu’il en est ainsi, réapprendre à rêver, s’offrir au temps dans des parenthèses enjouées, lunaire comme j’aimais l’être avec elle. Puisqu’il en est ainsi, savoir que le sentiment était partagé, qu’il l’est toujours peut-être, ces peut-être que j’ai trop prolongés. Puisqu’il en est ainsi, respirer encore les fragrances de son absence, un instant, pour se dire que c’est arrivé, puis se résigner à continuer seul vers des états meilleurs, le meilleur de moi, d’un nous futur équilibré qu’un jour avec elle j’ai touché. Puisqu’il en est ainsi, l’envelopper déjà du souvenir, persistances à paraître dans le futile, fut-il, furent-ils.
Texte écrit par Ch. Sanchez
Ni une ni deux, j'ai remis mon pull à l'envers. Avec mes airs d'hurluberlue, je me sers un thé au citron. Alors que je chipote entre une tartine au miel et une biscotte au beurre salé, il me vient une idée. Une pensée amusée, mutine à souhait.
Par la fenêtre sur la rue, l'esprit pâle de l'aube entre. A sa vue, mon visage s'éclaire et les lampadaires ont l'air de mourir. Je monte le son de la musique. Est ce le froid qui la fait trembler ? La voix si pure s'enroue. Le son frise, crie et s'étire. Un archer qui grince, une corde qui casse.
Je sors dans le jardin. Il fait beau et souffle le vent. J'ai besoin de m'aérer les pétales. Il est franchement difficile mon nouveau boulot. Je viens de m'en prendre plein la tête il y a deux jours. "Déchirure dans le silence de l'agneau". Je suis polluée. Souffle le vent s'il te plaît pour me débarrasser de cette violence dont je n'ai pas su me protéger. Et qui reste encore collée là tout autour de moi. Je crois que c'est l'incohérence hostile, où l'on n'a pas de réponse, où tout ce que l'on peut dire n'est pas entendu. ça ne connecte pas. Manque le code. Me manque aussi l'expérience, la carapace... Il a senti ma peur, il a senti la faille, il a voulu me déstabiliser. Réussi.
Depuis deux mois je suis attrapée par mes nouvelles fonctions en psychiatrie. Ce n'est pas peu dire. J'en rêve la nuit régulièrement. Je pars du travail en y pensant pendant des heures. Je me remets en question à tous moments. On ne ressort pas indemne d'une garde. Tout ceci est inhabituel pour moi. Alors mon inspiration du moment tourne autour de ce que je vis là bas.
Je vous invite à lire mon dernier billet " A l'Ouest, l'homme qui venait de l'Est" sur mon autre blog ici. Et éventuellement l'enregistrer dans votre blogliste pour être avertis de la parution de mes prochaines chroniques infirmières.
Maxime lui en fera voir de toutes les couleurs. Les rendez vous manqués, l'inquiétude majorée, les lapins qu'elle mijotera en civet, l'absence, l'attente inconcevable.
Mathilda passe son temps à reformer le mur entre deux. Mur qui s'effondre quand elle le retrouve. Oui, elle se renverse, elle est déstabilisée, car il transgresse ses mécanismes de défense. En tant que femme face à l'homme, elle est pleine de contradictions. Contradictions qui l'inhibent, quelque chose qu'elle n'arrive pas à cerner, qui l'effraie. Elle a toute une collection d'armures qu'elle revêt malgré elle. Elle n'arrive pas à lâcher. Elle sabote. Elle s'empêche de vivre pleinement. Tout son corps parle pourtant. Des pulsions, des désirs, des fantasmes qu'elle touche du doigt, qui sont presque là, elle les regarde à la frontière, mais n'y va pas. Elle reste là. Elle tente de tout maîtriser de peur... De peur.. (?) Le sentiment qu'un morceau d'elle va être arraché.
Elle sent son regard transparent avant même de lui ouvrir la porte. Quelques secondes avant, penchée à la fenêtre, elle lui jetait la clé de la porte d'en bas. Il levait la tête l'air espiègle, la main tendue. Et là sous le réverbère de la rue, Maxime et son sourire à faire pleurer d'émotion. C'est idiot, elle se damnerait pour que la scène du sourire se reproduise. Mentalement, alors qu'il est déjà entré dans le couloir, elle le revoit arriver l'air sérieux cherchant son numéro de porte. Et là, l'image s'accélère, il lève la tête et lui sourit. Un léger effleurement, elle referme la fenêtre et se précipite dans le dédale de couloirs pour lui ouvrir la porte d'en haut. Le sourire s'est évanoui, mais c'est pire. L'instant est presque grave. Elle se ressaisit, le laisse entrer.
Il est convenu que Mathilda et le jeune homme se retrouvent au théâtre en compagnie d'une amie à elle. Le cadre est suffisamment neutre et laissera le temps à Mathilda d'observer "le personnage".
L'histoire commence le 24 Août 0079, juste après J.C, tout là bas à Pompéi. Alors qu'ils vaquaient paisiblement, les uns aux champs, certains autres au village, la terre se mit à gronder. Le ciel, à se couvrir. Une fine poussière grise envahit l'atmosphère.
Je suis paisiblement installée dans mon fauteuil en simili osier. Je réfléchis à ma prochaine pensée profonde. Dans mon idée, ce serait une pensée profonde sur le temps que met le temps à s'écouler. Ou plutôt, sur le temps qui tend à prendre le temps. Avec une interrogation accessoire, quel temps fait il ? Je trépigne immobile. Le temps met trop de temps. Je suis impatiente.