samedi 19 décembre 2009

Les retrouvailles improbables [ le toucher ] (3)

Elle sent son regard transparent avant même de lui ouvrir la porte. Quelques secondes avant, penchée à la fenêtre, elle lui jetait la clé de la porte d'en bas. Il levait la tête l'air espiègle, la main tendue. Et là sous le réverbère de la rue, Maxime et son sourire à faire pleurer d'émotion. C'est idiot, elle se damnerait pour que la scène du sourire se reproduise. Mentalement, alors qu'il est déjà entré dans le couloir, elle le revoit arriver l'air sérieux cherchant son numéro de porte. Et là, l'image s'accélère, il lève la tête et lui sourit. Un léger effleurement, elle referme la fenêtre et se précipite dans le dédale de couloirs pour lui ouvrir la porte d'en haut. Le sourire s'est évanoui, mais c'est pire. L'instant est presque grave. Elle se ressaisit, le laisse entrer.
Le thé est brûlant.
...
Mathilda est tendue. Elle sait, elle sent qu'à un moment ou à un autre il va s'arrêter de parler. Il laissera le silence envahir la pièce jusqu'à tendre les murs. Il lui prendra la main, ou bien se lèvera et s'approchera. Elle n'aimera pas ce moment là. Elle est déjà trop fragile, répandue sur l'assise de sa chaise. Elle s'imagine. Pourtant encore droite, le geste gracile, la voix un peu basse et sûre. Mais son expression ? Ses yeux doivent la trahir grave. En effet, il est déjà là, debout devant elle. Le regard est troublé, mais sa main est douce. Il lui relève le visage. Dans sa tête c'est l'affolement. Fuir, se mettre à pleurer tant l'émotion l'étrangle ou bien rapidement se recomposer et improviser, comme elle a appris à le faire, "la femme fatale". Elle n'a plus le temps de choisir. Elle va prendre les devants, il en va de sa survie sur l'instant.
L'instant.
Leurs bouches se trouvent, leurs corps se mêlent avec une étonnante maîtrise, une intimité, une complicité immédiate ...
Ils ne feront pas l'amour. Ce garçon là, lit dans ses pensées enfouies, archaïques. Il est tard, le énième thé est brûlant. Elle l'invite à dormir près d'elle. Elle n'a pas besoin de préciser. Il s'endort.
Elle retrouve enfin le cours de ses pensées. Une étrange lumière de nuit nimbe la chambre. Elle le regarde émue. Que lui arrive-t-il ? Elle est submergée.
Elle s'écarte un peu. Il gémit et commence à trembler légèrement. Qu'a-t-il ? Elle touche son front, il est trempé de sueur. Il gémit toujours. C'en est presque inquiétant. Elle lui caresse les cheveux. Il se redresse brusquement et lui dit la voix enrayée : "j'ai rêvé que je tenais mon enfant dans les bras et qu'il m'échappait, me glissait des mains, c'était affreux !"Il retombe sur l'oreiller et se rendort alors que Mathilda lançait déjà une ébauche d'interprétation. Elle reste étonnée et dubitative. Il se remet à trembler. Elle pose une main rassurante sur son épaule, il se tourne et s'enroule à elle, s'apaise et reprend une respiration lente et profonde.
Mathilda ne peut plus bouger, elle n'a pas eu le temps de prendre une position confortable. Son bras commence à "mourir". Elle tente de se dégager, il s'accroche un peu plus. Elle le garde là au creux, résignée. Elle ne s'endort pas. Entre deux eaux, elle ouvre. Il entre, il entre.
Elle s'endort quelques minutes au petit matin. Déjà le ciel est teinté de rose. Elle se réveille en sursaut, il lui a dit hier soir qu'il devait partir vers 7.30 pour la galerie d'art. Il est 7.15. Elle tente de le réveiller. Impossible. Il ouvre un œil et le referme.
Mathilda se lève et va préparer le café. Elle passe dans la salle de bain pour se laver les dents, se regarde. Elle a l'air des matins qui vont bien. Les cheveux ébouriffés à souhait, les cernes jolies. Ma foi, pas besoin d'en faire plus. A nouveau elle essaye de le réveiller. Il grogne. Elle lui rappelle qu'il devrait déjà être parti, mais qu'après tout, elle s'en fout. Il daigne ouvrir les yeux. Elle est assise au bord du lit en peignoir. Il lui offre un sourire tout endormi, et lui dit : "Que t'es jolie le matin"...
Tranquillement, il prend son temps. Il boit le café avec elle, léger et détendu. Mathilda a déjà le coeur serré à l'idée qu'il s'en aille. Elle n'a pas envie. Elle voudrait arrêter le temps. Elle anticipe déjà sur "une nuit sans lendemain". Elle lui relate son étrange comportement de la nuit. Il s'étonne, il ne se rappelle plus.
Il la serre dans ses bras, l'embrasse et s'en va . Elle se penche au balcon. Il lui sourit. Il est parti.
Mathilda essuie presque rageusement ses yeux embués. Merde, mais c'est quoi cette émotion ravageuse. C'est n'importe quoi ! L'impression, qu'en partant il lui a arraché un morceau.

à suivre...

21 commentaires:

  1. bonjour ...

    sympa les petits liens entre les lignes

    et lentement , trés lentement on remonte le fil de l'histoire

    t'embrasse

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  2. On se prend à suivre chaque moment de vie, de pensée intime...
    Les cernes jolies, c'est touchant !

    Besos Colombine de la nuit ^^
    Jack

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  3. Colombine, tu sais piquer la curiosité de tes lecteurs. Vivement la suite !!

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  4. Merci du passage, nullement lenteur...au contraire tres actif, et justement plus trop le temps. Mon quotidien n'est que du plaisir a 30000 a l'heure !
    Mais n'ayez crainte, je passe tjrs lire ceux et celles que j'aime.

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  5. C'est poignant, émouvant, réaliste, on se met à sa place, on anticipe ou pas ...un thriller ?
    Bien sûr, on a envie de connaître la suite...mais ce serait bien aussi qu'elle reste dans les touches du clavier pour laisser l'imagination vagabonder...
    Je sens que certains vont me détester...

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  6. Voilà, c'est décidé, je vous mets dans mes liens.
    Merci pour ces belles pages où l'on se perd avec charme ...

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  7. Le fil de l'instant s'étire doucement, se contracte, se détend, au fur et à mesure que l'on avance. Du coup, on reste comme emprisonné, et les petits liens de ci, de là (merci au passage pour ce clin d'oeil) achèvent de nous déstabiliser. J'aime beaucoup (mais je sais être patient :)

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  8. Le double fond des mots--> Merci, Et lentement, ne pas oublier de remonter jusqu'au début de l'histoire.. C'est important..
    Je t'embrasse aussi, Bon we.

    Jack--> Mon côté "extime"...
    La tête du matin est révélatrice.. :)
    Bises du jour..

    Dame Sco'--> Merci, mais non, je ne sais rien.. Je trouve déjà des défauts dans la construction de mon histoire.. Je n'arrive pas bien à lier les deux histoires.. Mais ça fait rien, j'écris..

    R.D--> Merci d'avoir trouver du temps.... :)

    Saravati--> Ce n'est pas un thriller mais peut être une touche "d'irationnel" à la réalité...
    Merci...
    Je vous rassure, à la fin il restera une question, sans réponse....

    Archie--> Tiens encore cette impression d'écriture tendue... Je ne le fais pas exprès..
    Merci, touchant ton com...

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  9. A tous--> Aujourd'hui c'est Noël chez moi...
    Nous sommes une famille recomposée depuis plusieurs générations, alors Noël s'étire du 20 au 30 Décembre, pour satisfaire tout le monde...
    C'est toujours un peu bizarre, mais le coeur y est... Les coups de blues aussi... Noël et son lot de cadeaux, mais aussi de souvenirs décousus...
    Bien à vous...

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  10. Et bien Joyeux Noël chère Colombine...sourire!! J'ai lu les épisodes 2 et 3 à la suite, prise dans une lenteur que l'on perçoit bouillonnante...Agréable moment!

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  11. Je n'interviens pas sur le contenu du billet. Pour le film "Paranormal Activity", il ne se passe pas grand chose, tout est suggéré, sauf 3 minutes à la fin. Pour des enfants habitués à des films qui "bougent", ça va être razoir et ils vont s'impatienter. Et si ils ont vraiment peur, ils auront des cauchemars. Mon opinion. (Un film style "Avatar", assez beau visuellement, avec une histoire, serait plus indiqué).

    SNAKE

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  12. Mots d'Elle--> Merci, notre Noël fut simple et convivial, il faisait très beau derrière les baies vitrées... C'est fait.. :)

    Charlemagnet--> Merci.. à tout bientôt pour la suite..

    Snake--> Merci pour l'info, du coup ils hésitent...
    Tu n'interviens pas sur le contenu du texte... Pourtant ça m'interesse, même si c'est un avis mitigé ou contrarié... c'est constructif...

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  13. écrit très sensible, comme d'hab.. et je dirais même très sensiblement féminin !
    excellentes fêtes à toi et à ta tribu..

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  14. Je me demandais si vous n'auriez pas oublié de rédiger l'adresse du destinataire :
    perenoel@.com
    N'oubliez pas de lui préciser également qu'il ne s'agit pas d'un spam.
    Bonnes Fêtes tous les deux,

    Baltha

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  15. la suite, la suite...
    je me suis dit, pourquoi pas ici ?
    alors, joyeux Noël Colombine
    c'est dit...
    bises

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  16. te souhaite une bonne fête


    /pour toi et les tiens /

    V'ap ...

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  17. Pour répondre à ton commentaire : le contenu du texte est une belle histoire, bien racontée. Et en plus c'est totalement différent de ce qu'il m'est possible de raconter. Pour le style, si on n'est pas satisfait, il faut y revenir six mois après (ou un an). On trouve toujours quelques adverbes en trop, des "très" à supprimer, ou des petites lourdeurs, et ça saute aux yeux. Mais parfois, ça tient debout, même six mois après. C'est une heureuse surprise. Faut voir.

    SNAKE

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  18. Fiction introspection mélange d'émois et des autres, plonger dedans et attendre la suite. Une soirée folle pour toi. Bises

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