mercredi 20 janvier 2010

L'autre Colombine, l'infirmière.

Je vous invite à lire mon dernier billet " A l'Ouest, l'homme qui venait de l'Est" sur mon autre blog ici. Et éventuellement l'enregistrer dans votre blogliste pour être avertis de la parution de mes prochaines chroniques infirmières.
Une envie de distinguer mes petites histoires professionnelles dans un univers différent. Des histoires de vie touchant le monde délicat de la maladie mentale.
Bien, à vous.
A vous lire.
Colombine

samedi 16 janvier 2010

Les retrouvailles improbables [ Du rêve, au seuil de la conscience ] (5 et fin)

Maxime lui en fera voir de toutes les couleurs. Les rendez vous manqués, l'inquiétude majorée, les lapins qu'elle mijotera en civet, l'absence, l'attente inconcevable.

Une nuit, au bout du bout de cette histoire toujours inachevée, elle se réveille. L'atmosphère est étrange, elle est dans un lit qui n'est pas le sien, pourtant cette chambre est bien la sienne. Une sorte de brouillard envahit la pièce. Quelque chose de doux s'en dégage. Il est absent à ses côtés, pourtant elle sent sa présence-absence. Elle se laisse tanguer légèrement portée par le ressac.
Abandonnée entre veille et sommeil, elle glisse sur les pentes des pensées qui ne se maitrisent pas, qui n'en font qu'à leur tête.
Soudainement, elle sent un liquide chaud couler entre ses cuisses ! Elle se redresse, rejette les draps et horrifiée découvre un fœtus baignant dans une flaque de sang. En nage, elle se réveille brusquement, rejette les draps, regarde entre ses cuisses. Les draps sont d'un blanc immaculé. Ce n'était qu'un rêve dans un rêve.

Mathilda se lève, et se faufile directement sous la douche. Un besoin irrépressible de se laver. L'eau chaude la débarrasse des dernières scories de ce rêve éprouvant.
Étonnamment, elle se sent en paix. Elle n'a plus mal au ventre. Mathilda retrouve son état normal. Hier encore, elle était là errante dans les limbes de cet amour contrarié, elle en souffrait, et là, tout juste, le sourire de Maxime revient l'émouvoir. Elle se pince. Non, tout va bien. Elle respire.

Mais c'est quoi cette histoire bizarre ? Elle ne s'explique toujours pas la façon dont elle a été attrapée, aux limites de l' insoutenable. Ainsi que la disparition soudaine de tant d'émois. Ce rêve peut s'interpréter facilement. Elle avait l'impression au quotidien qu'il était logé là, au creux de son ventre. Il semble normal qu'elle l'expulse pour le déloger. Son inconscient a œuvré pour elle.
Mathilda reste pour autant interpellée. Elle tourne dans tous les sens un semblant d'explication. Dès leur première nuit, leur inconscient se sont mélangés, la névrose de l'un a trouvé réponse dans la névrose de l'autre ? Recevable, mais bon, pourquoi elle, pourquoi lui ? Elle songe à sa résistance du début, elle ne voulait pas le rencontrer. Friande d'interprétations psycho-machin-choses, Mathilda continue son investigation. Sa mère ne le désirait pas quand il a été conçu, à chercher à avorter ? Tout un tas de réponses s'accumulent mais tout ceci reste très nébuleux.

La matinée touche à sa fin, le téléphone sonne. C'est Maxime. Il semble bouleversé. Elle même est très gênée, elle tient à mettre un terme tout de suite à cette histoire qui n'a aucun sens pour elle. Elle se prépare intérieurement à rompre définitivement. Un point c'est tout, même pas l'ombre d'une virgule. Elle s'étonne de se sentir aussi sûre d'elle.
Il prend la parole, et dans un monologue, il lui raconte l'étrange rêve qu'il vient de faire. Il arrive à la galerie d'art, entre dans son bureau et découvre deux inconnus en train de copuler. Désagréablement surpris, il est pris de nausées, sa tête tourne. La pièce se remplit de signes noirs, des + et des - envahissent le bureau, de plus en plus nombreux. Il n'arrive plus à respirer, il sent qu'il va mourir. Dans son affolement il aperçoit un grand trou dans le sol. Il s'y jette comme absorbé. Il dégringole dans ce puits sans fond, ses mains ripent contre la paroi. Il veut se raccrocher. Il va mourir... Dans un dernier sursaut, ça y est il s'accroche... Et se réveille.
... Silence.
Dans l'esprit de Mathilda, tout va très vite. Elle a vite fait de trouver du lien entre leurs deux rêves surgis au même moment. Elle lui raconte le sien.

Ils restent tous les deux sans voix. Ému, il l'écoute attentivement. A bâtons rompus, ils évoquent toutes les hypothèses, réunissant tous les faits étranges particulièrement perçus et ressentis par Mathilda pendant les trois mois qui viennent de s'écouler.
Il accepte aussi de rompre. Accepte que cette histoire s'est construite sur des bases hors du commun et en distorsion avec la réalité.
Ils n'arrivent pas à raccrocher. Ils se connectent sur Msn. Dans leurs webcam respectives ils croisent leurs regards embués. Il lui sourit une dernière fois. Elle craque une dernière fois. A ce sourire, l'émotion est à son comble, les larmes roulent...

Dans un soucis d'apaisement, et pour rendre jolie la fin de cette histoire, elle tapote sur son clavier : "Et si tu avais été mon fils dans une vie antérieure ? Je n'y crois pas vraiment, mais, et si c'était vrai ? Ceci expliquerait cela..."
Il ne la lâche pas du regard tout en répondant : "Oui, on va le dire comme ça, ça me va. C'est suffisamment tordu pour stopper toutes ces questions sans réponse. Et paradoxalement j'y trouve une réponse rationnelle. Mais, on se serait connus où et quand ?
A elle de répondre :" A Pompéï, il y a mille neuf cents vingts six ans..."
Dans un sourire partagé, ils éteignent l'ordinateur.

Les ondes auraient-elles le pouvoir de permettre d'improbables retrouvailles ? ...

jeudi 7 janvier 2010

Les retrouvailles improbables [ l'incohérence ] (4)

Mathilda passe son temps à reformer le mur entre deux. Mur qui s'effondre quand elle le retrouve. Oui, elle se renverse, elle est déstabilisée, car il transgresse ses mécanismes de défense. En tant que femme face à l'homme, elle est pleine de contradictions. Contradictions qui l'inhibent, quelque chose qu'elle n'arrive pas à cerner, qui l'effraie. Elle a toute une collection d'armures qu'elle revêt malgré elle. Elle n'arrive pas à lâcher. Elle sabote. Elle s'empêche de vivre pleinement. Tout son corps parle pourtant. Des pulsions, des désirs, des fantasmes qu'elle touche du doigt, qui sont presque là, elle les regarde à la frontière, mais n'y va pas. Elle reste là. Elle tente de tout maîtriser de peur... De peur.. (?) Le sentiment qu'un morceau d'elle va être arraché.

Maxime est instable, insaisissable. Elle ne comprend pas pourquoi il est toujours là. Il revient, il s'en va. Il est comme un adolescent. Il ne dit jamais où il est, quand il vient, quand il reviendra. Elle tente de rompre, il refuse sans apporter d'argument, sans changer de comportement. Il revient à l'improviste, son sourire sous la fenêtre. Elle lui jette la clé.

La nuit au près d'elle, il s'accroche. Dès qu'elle s'écarte pour tenter de dormir, il se met à trembler, grincer des dents. Des sueurs profuses, des gémissements qui ne s'apaisent que lorsqu'elle le reprend dans ses bras. Elle a l'impression dans ces moments là d'être sa mère plus que son amante. Et pourtant, entre eux, l'entente sexuelle est harmonieuse, d'une exquise sensualité. Alors qu'elle est prête à en retordre, à discuter de leur relation, à la remettre en question, il lui pose un doigt sur la bouche, l'embrasse délicatement sur les yeux, les joues, descend dans le cou et s'en est fini d'elle et de ses résistances. Leurs corps se connaissent se reconnaissent, se mélangent. Ils ne savent plus qui est la main de l'un ou de l'autre, ils se traversent, se superposent.

Elle a mal au ventre quand il s'en va. Tout se passe là. Elle a l'impression qu'il est accroché là. Elle n'arrive pas à rationaliser, à intellectualiser cette relation, elle ne comprend pas. Son cycle est chamboulé, des hémorragies, des douleurs, des retards, elle somatise.
Tous les quatre jours, elle veut rompre. Il la regarde, presque penaud, lui prend les mains et lui dit qu'il ne comprend pas ce qui l'attache à elle. Il dit avoir conscience de ses dysfonctionnements mais qu'il ne peut pas envisager de la quitter. Elle le confronte sur ses sentiments, il n'a pas de réponse rationnelle. Il l'aime et ça le dépasse. Pour autant il ne peut se résoudre à s'engager un minimum avec elle, il transgresse le cadre, il fuit puis revient.
Ils constateront à leur grande stupeur, qu'ils lisent dans leurs pensées. Alors qu' ils n'arrivent pas à s'entendre, à parler d'eux, à envisager une relation stable, ils reconnaissent être connectés en permanence émotionnellement, et se surprennent à penser la même chose au même moment, même lorsqu'ils sont éloignés. C'en est presque épuisant.

Mille neuf cents vingts six ans plus tôt, juste avant de mourir, Lisa serre son fils tout contre elle pour apaiser ses tremblements. L'enfant gémit, fiévreux, effrayé, il claque des dents. Elle même est terrifiée. Dans un dernier râle, elle rassemble tout son amour pour protéger l'enfant. Elle le prend tout recroquevillé contre sa poitrine et son ventre. L'enveloppe dans ses bras, resserrant le châle autour d'eux. Et dans une prière d'amour, ils s'apaisent et se figent dans cette position en fermant définitivement les yeux.

Improbables retrouvailles...
à suivre...
(suite et fin)


vendredi 1 janvier 2010

Bonne année, bonne santé ! #VasesCommunicants

Les fêtes de fin d’année et leur cortège de bons sentiments. Il semblerait qu’à quelques jours de braquer large vers une nouvelle année, nous soyons tous enclins à se rassurer sur notre profonde humanité. Chacun s’accorde à faire trêve commune sur nos tracas quotidiens. Tous – nos familles, nos amis, nos meilleurs ennemis – s’adonnent gaiement à un lourd ronflement de bon aloi.

Hors de ce vaste tumulte qui encombre nos journées, nous abandonnons un temps nos ombres d’adultes pour revêtir nos apparats factices d’enfants émerveillés.

Noël d’abord où le plaisir d’offrir n’a d’égal que celui de recevoir. Des cadeaux par dizaines, des papiers qui se froissent dans le reflet des yeux de nos chères têtes blondes. Et nous, pauvres responsables de nos vies en berne, nous redescendons un instant à la hauteur de nos bambins pour admirer notre enfance évanouie.

Puis, en attendant Sylvestre le dernier saint, s’écoule une semaine sans vie. Juste un peu de douceur pour les plus chanceux au coin d’un feu crépitant, à manger les restes de dinde farcie. Sept jours d’absence économique, politique ou sociétale. Chacun se recroqueville dans sa famille. Se fait dorloter ou glande lamentablement devant les rediffusions télé. Seuls nos héros de toujours, De Funès, Fernandel et autres dessins animés Disney égayent ces premières soirées d’hiver.

Et advient Le Jour de l’An. Le premier jour. Celui de tous les possibles et de toutes les incantations du mieux-être et du mieux-vivre ensemble. Encore dans les émanations brunes de champagne piteusement ingurgité, nous nous enquérons de notre santé en la souhaitant à tous aussi bonne que possible. Voilà que la santé d’autrui prend une valeur inestimable. Ce jour là mais pas un autre. Le 1er mars ou le 15 juin, nous pouvons mourir tranquille mais le 1er janvier, notre santé doit être bonne et ce pour les 364 jours qui viennent. Insoutenable légèreté de l’être. Noël s’évanouit mais les boules multicolores encore clignotantes sur le sapin attisent notre crédulité et nous renvoient à nos régressions enfantines. Nous arrêtons de fumer. C’est trop cher puis franchement, cette toux dés le réveil, ce n’est plus possible. Nous promettons de moins manger et de perdre avant la mi-mars nos kilos superflus. Plus d’argent, une nouvelle vie, un nouveau travail plus tranquille, une vie sentimentale merveilleuse. L’amour sera encore plus extraordinaire que l’année précédente et naîtra enfin dans les cœurs de ceux qui en sont dépourvus.

Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu, ponctuait ironiquement la publicité dans les années 90. Peine perdue, simulacre de bienveillance, hypocrisie d’un jour, d’une quinzaine où tout le monde semble vivre dans le grand pays des bisounours. Bonne année, bonne santé !

Ce billet a été rédigé par αяf que je reçois aujourd’hui dans le cadre des vases communicants. Vous pouvez suivre ce chemin pour aller lire mon billet publié chez lui.

Voici la liste des autres participants à ces Vases Communicants de janvier :
Futiles et graves (Anthony Poiraudeau) et Paumée (Brigitte Célérier), Tiers Livre (François Bon) et Ce métier de dormir (Marc Pautrel), Petite Racine (Cécile Portier) et Abadôn(Michèle Dujardin), Tentatives (Christine Jeanney) et Enfantissages (Juliette Zara), C’était demain (Dominique Boudou) et Biffures chroniques (Anna de Sandre), Terres… (Daniel Bourrion) et Journal Contretemps (Arnaud Maïsetti), Le blog à Luc (Luc Lamy) et Frédérique Martin, Liminaire(Pierre Ménard) et Jours ouvrables (Jean Prod’hom), Pendant le weekend (Hélène Clémente) et Oreille culinaire (Isabelle Rozenbaum), Les beautés de Montréal (Pierre Chantelois) et L’Oeil ne se voit pas lui-même (Hervé Jeanney)